
CRISE&ECO
Pour avoir un avis exterieur sur notre travail, nous sommes allés a la rencontre de Jean-Marc Vittori, journaliste aux Echos.
Jean Marc Vittori, éditorialsite et journaliste aux "Echos"

-Bonjour Monsieur Vittori. Vous êtes donc journaliste au journal économique « Les échos » : nous aimerions savoir pourquoi avez-vous eu envie de devenir journaliste, et quel a été votre parcours pour arriver jusqu’ici ?
-J’ai toujours aimé regarder le monde, l’actualité… Aussi, j’ai beaucoup été inspiré par Tintin, le héros de bande dessinée, qui était un petit reporter que j’aimais beaucoup. Etant jeune, je ne pensais pas devenir journaliste car ce métier me semblait trop difficile : j’ai donc étudié l’économie à Sciences Po Paris. Ensuite, j’ai décidé de travailler en Côte d’Ivoire dans le service de comptabilité nationale en tant qu’expatrié, à la place de mon service militaire. A mon retour en France, je me suis formé en travaillant dans une radio libre, avec beaucoup d’imagination mais peu de moyen. J’ai ensuite appris le métier de journaliste de A à Z dans une agence de presse spécialisée dans les graphiques. C’était un métier assez ingrat, mais j’ai appris à rédiger, et j’ai appris l’importance des mots. Puis j’ai évolué petit à petit pour en arriver à ce poste aujourd’hui.
-Notre TPE traite de la crise de 1929 et des différentes solutions apportées par les pays pour en sortir. Une des premières mesures adoptées fut la dévaluation : cette méthode est-elle vraiment efficace ?
- Comme le montrent les chiffres, la dévaluation est incontestablement une solution efficace : tous les pays ayant pris cette mesure ont vu leur production industrielle repartir. Néanmoins, cette mesure peut être remise en question puisqu’elle est non-coopérative. Si un pays est affaiblit économiquement mais que les autres pays se portent bien, la dévaluation est intéressante car le pays qui dévalue pourra retrouver de la croissance sans pour autant nuire aux autres. Mais dans le cas de figure où tous les pays sont en mauvaise posture, cette solution peut avoir des conséquences négatives. En effet, elle permet au pays qui dévalue de renouer avec la croissance, mais cela se fera au détriment des autres pays, qui verront leurs exportations diminuer. La dévaluation est donc indéniablement efficace, mais pas dans un contexte comme celui des années 1930.
-Les pays ont également mis en place des mesures protectionnistes pour limiter les importations, et donc permettre à leurs entreprises de vendre plus. Ne pensez-vous pas que la mise en place de mesures protectionnistes soit nécessaire pour relancer l’économie ?
-Tout d’abord, il faut s’avoir d’où viennent réellement ces mesures. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, elles proviennent de tensions agricoles survenues aux Etats-Unis au lendemain de la première guerre mondiale, lorsque la demande de produits issus de l’agriculture américaine a fortement chutée suite à la reprise de l’activité agricole européenne. Mais ce n’est qu’en 1930, avec la crise économique, qu’elles ont été appliquées. Toutefois, je pense que le protectionnisme n’est pas la solution. Certes, cela permet de limiter les importations et donc d’assurer un marché interne aux entreprises. Mais en prenant de telles décisions, le pays verra inévitablement ces exportations réduites du fait que les autres pays mettront en place des mesures de rétorsion. Le protectionnisme condamne les échanges croisés, et limite donc le nombre de demandeurs. De telles mesures nuisent donc aux pays qui les appliquent.
- Face à l’inefficacité de ces premières mesures, les pays vont alors mettre en place de nouvelles solutions. L’une d’elles est la politique de grands travaux. Ces politiques ont non seulement permis de réduire le chômage, mais également de relancer la machine industrielle. Alors pourquoi de telles politiques n’ont-elles pas été mises en œuvres après la crise de 2008 ?
- Cela s’explique par deux facteurs. Tout d’abord, l’efficacité de ces politiques reste limitée. En effet, comme le montrent les chiffres, ce ne sont pas les programmes comme le New Deal qui ont réellement permis aux pays de sortir de la crise. En 1939, les pays sont toujours fragilisés économiquement malgré ces politiques. C’est l’effort de guerre qui a permis aux différents pays de sortir de la crise : il permet d’imposer des cadences de production impossible en temps de « paix ». Ensuite, il y a une grande différence entre les Etats de 1929 et les Etats d’aujourd’hui : l’endettement. Durant les années 1930, les pays ont un fort potentiel d’endettement, ce qui leur permet de mettre en place ces politiques. C’est lorsqu’un acteur économique peut s’endetter que l’on peut sortir rapidement de la crise. Aujourd’hui, les dettes sont tellement élevées qu’il est très dur pour un état de financer des projets de cette envergure.
- Finalement, l’Allemagne, l’Angleterre et les Etats-Unis ont pu relancer leur économie. Mais quel est, selon vous, le pays qui a le mieux réussi à se dégager de la crise de 1929 ?
- C’est une question à laquelle je ne peux pas répondre car il est très difficile de comparer les pays entre eux au vue de leurs différences… Ceci étant, on peut constater que d’un point de vue purement économique, c’est l’Allemagne qui s’est sorti le plus tôt de cette crise : mais le régime alors en place n’était pas durable, et les atteintes aux droits de l’Homme étaient nombreuses. Ensuite, on peut difficilement comparer les Etats-Unis et l’Angleterre car leurs différences en termes de ressources sont trop importantes. Mais il faut bien comprendre que ce n’est pas les mesures prises par tels ou tels pays qui ont fait la différence : c’est réellement l’effort de guerre qui a permis à ces deux pays de sortir de la crise.
- Depuis la crise de 1929, notre société a traversé de nombreuses crises, comme celle de 2008, malgré la mise en place de différentes mesures pour les éviter. Les notions de libéralisme et de crise sont-elles réellement indissociables ? Est-il possible, avec ce système, d’éviter la crise ?
- Pour moi, ces deux notions sont dissociables : il est réellement possible d’éviter les crises dans notre système. Mais pour cela, il faut modifier certains volets de notre société. Le premier volet est un volet axé sur la réglementation des marchés financiers. Il est impératif que la finance soit mieux règlementée car elle est instable. Certaines mesures allant dans ce sens avaient été mises en place suite à la crise de 1929, mais le temps nous fait oublier ces évènements, et plus le temps passe, moins la finance est encadrée. Le second volet à revoir est celui de l’endettement. Pour sortir définitivement de la crise, il faudra savoir quoi faire de la dette. Pour cela, il existe quatre solutions : la croissance, l’inflation, l’austérité et le non-paiement des dettes. La vraie question qu’il faut se poser pour sortir de l’endettement est la suivante : qui doit perdre ?
-Vous écriviez dans votre article du 26 Février 2009 « Les fausses leçons de 1929 » que pour sortir de la crise, il faudra « penser autrement » : existe-t-il, selon vous, une alternative plausible au libéralisme ?
-Tout dépend de ce que l’on entend par « libéralisme ». Il existe évidemment le libéralisme économique, mais cette idée de libéralisme est surtout, pour moi, sociale : c’est la liberté de s’exprimer, la liberté de presse, la liberté d’expression… Mais si on se rattache uniquement au point de vue économique, il n’existe pas pour moi d’alternative. D’ailleurs, nous n’en avons pas besoin : il faut juste modifier, comme je l’ai dit précédemment, certains volets de notre société. Le libéralisme économique est un bon système, à condition qu’il soit bien encadré.